La Transfiguration du Seigneur

La Transfiguration du Seigneur est rapportée par Matthieu 17,1-18, Marc 9,2-27 et Luc 9,28-42. Jésus emmène trois apôtres, Pierre, Jacques et Jean, les fils de Zébédée sur une montagne que les évangélistes ne nomment pas. Les trois récits sont très similaires, mais Luc rajoute quelques détails.

Jésus est en prière quand son visage se transforme comme ses vêtements qui deviennent éblouissants. Moïse et Élie lui apparaissent et "s'entretiennent avec lui". Seul Luc précise qu'ils "parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem", puis ils disparaissent. Les trois apôtres somnolents sont troublés. Ne sachant que faire ou que dire, Pierre propose de dresser trois tentes pour Jésus et les deux prophètes. C'est alors qu'une nuée les enveloppe et une voix dit "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le !" Marc est plus bref et Luc rapporte une variante : "Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le !". Effrayés, les trois apôtres tombent face contre terre. C'est Jésus qui les relève. Il n'y a plus personne.

La Transfiguration d'après Carl Bloch (1836-1890), musée de Frederiksborg

Cette voix du Ciel est l'une des trois théophanies de l'Évangile, manifestation directe et sensible de Dieu le Père. La première théophanie est celle du Baptême de Jésus et la troisième se manifeste au Temple durant la semaine sainte. Le fait est si impressionnant que Pierre prend soin de préciser, dans une de ses lettres, que cette Transfiguration n'est pas un récit imaginaire mais réel. N'ayant pas assisté au baptême de Jésus, c'était la première fois que Pierre entendait la voix de Dieu.

En descendant de la montagne, Jésus leur demande de ne rien dire à personne "avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts." Ce qu'ils firent, mais en se demandant ce que voulait dire "ressuscité d’entre les morts" ajoute Marc.

Les trois évangélistes mentionnent une chronologie, ce qui est assez inhabituel. Matthieu et Marc introduisent la Transfiguration en la datant : "six jours après (l'épisode précédent)" et Luc : "environ huit jours après". Les évangélistes indiquent donc l'importance des évènements et leur lien. Quel est l'épisode précédent ? Celui, rapporté par Matthieu où Jésus lance à Pierre : "Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes." (Matthieu 16,23). Jésus venait de faire la première annonce de sa Passion aux apôtres et Pierre, dans un élan très humain, avait juré que cela ne pouvait advenir.

Jésus donne certaine considérations qu'il termine par cette prophétie que rapporte les trois évangélistes avec quelques nuances : "Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son Règne (Matthieu 16,28; Marc 9,1; Luc 9,27)". La Transfiguration a donc bien un lien avec l'annonce de la future Passion.

Dans Maria Valtorta

La Transfiguration du Seigneur se déroule le mercredi 14 février 29 (14 Adar I 3789) sur le mont Thabor (EMV 349), soit exactement six jours après la première annonce de la Passion et le reproche à Simon-Pierre (EMV 346).

1. Les précisions apportées

Jésus se retire pour prier pendant que les trois apôtres, après la fatigue de l'ascension, ne dorment pas, mais somnolent: une précision notée seulement par Luc 9,32. Ils sont éveillés par une clarté si vive qu'elle fait évanouir celle du soleil et qui se propage et pénètre jusque sous la verdure des buissons et des arbres sous lesquels ils se sont installés (EMV 349.6). Ils voient alors Jésus transfiguré :

"Il est maintenant tel que je le vois dans les visions du Paradis, note Maria Valtorta, naturellement sans les Plaies et sans la bannière de la Croix, mais la majesté du visage et du corps est pareille, pareille en est la clarté et pareil le vêtement qui est passé d'un rouge foncé à un tissu immatériel de diamant et de perles qui est son vêtement au Ciel. Son visage est un soleil qui émet une lumière sidérale, mais très intense, et ses yeux de saphir y rayonnent. Il semble encore plus grand, comme si sa gloire avait augmenté sa taille."

Apparaissent alors Moïse et Élie: "La lumière augmente encore avec deux flammes qui descendent du ciel et se placent aux côtés de Jésus. Quand elles sont arrêtées sur le plateau, leur voile s'ouvre et il en sort deux personnages majestueux et lumineux. L'un est plus âgé, au regard perçant et sévère et avec une longue barbe séparée en deux. De son front partent des cornes de lumière qui m'indiquent que c'est Moïse. L'autre est plus jeune, amaigri, barbu et poilu, à peu près comme le Baptiste auquel je dirais qu'il ressemble pour la taille, la maigreur, la conformation et la sévérité. Alors que la lumière de Moïse est d'une blancheur éclatante comme celle de Jésus, surtout pour les rayons du front, celle qui émane d'Élie ressemble à la flamme vive du soleil (EMV 349.7)".

C'est pendant cette apparition que Pierre propose à Jésus de construire trois tentes et de les servir. Matthieu et Marc sont conformes, mais Luc semble dire qu'il le fit après l'apparition, ce qui est moins logique. C'est alors qu' "un voile qui n'est pas un nuage ni du brouillard, qui n'est pas un rayon, enveloppe et sépare les Trois glorieux derrière un écran encore plus brillant que celui qui les entourait déjà et les cache à la vue des trois, une Voix puissante et harmonieuse vibre et remplit d'elle-même tout l'espace, les trois tombent le visage contre l'herbe. "Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, en qui Je me suis complu. Écoutez-le." C'est donc la formulation de Matthieu qui est la plus exacte, selon Maria Valtorta.

2. Exégèse

L'œuvre Maria Valtorta apporte son éclairage à deux versets sujets à interprétation.

2.1. Certains ne connaîtront pas la mort

La phrase de l'Évangile: "parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son Règne" ouvre un débat : s'agit-il d'une annonce de la Transfiguration ? de la Résurrection et de l'Ascension ? de la destruction de Jérusalem ? etc. Quelques soient les opinions en débat et l'identification de ceux qui seraient vivants à ce moment, elles convergent vers le Royaume de Dieu. Dans Maria Valtorta, la phrase est plus claire et donc plus simple :

"Et en vérité je vous dis qu'il y a ici certains de ceux qui sont présents parmi ceux et celles qui sont mes disciples qui ne goûteront pas la mort avant d'avoir vu se fonder le Royaume de Dieu, avec son Roi qui aura reçu la couronne et l'onction (EMV 346.10)."

Il s'agit bien de la future Passion et de la difficulté à faire comprendre ce qu'elle signifie vraiment, que ce soit lors de la première annonce et du reproche à Simon-Pierre, jusqu'à la Transfiguration où les apôtres se demandent ce que veut dire "ressusciter" . Pour bien le souligner, Maria Valtorta, sur une copie dactylographiée, explicite : "Le Royaume de Dieu a commencé le vendredi saint grâce aux mérites du Christ, et il s’est affirmé ensuite par l’Église constituée. Mais tous ne l’ont pas vu s’affirmer toujours plus."

2.2. Ne parlez de cette vision à personne

À propos de cette phrase, Maria Valtorta note sur une copie dactylographiée : "La prudence, parfaite dans le Christ, l'a incité à donner cet ordre pour éviter tout fanatisme de vénération comme de haine, tous deux prématurés et nocifs."

2.3. Jean-Baptiste et Élie

En descendant du Thabor, les trois apôtres questionnent Jésus sur Élie. Matthieu 17,10-13 et Marc 9,11-13 le rapporte, mais pas Luc.

Les disciples interrogèrent Jésus : "Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ?" Jésus leur répondit : "Élie va venir pour remettre toute chose à sa place. Mais, je vous le déclare : Élie est déjà venu ; au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le Fils de l’homme va souffrir par eux." Alors les disciples comprirent qu’il leur parlait de Jean le Baptiste.

Ce passage n'apparaît pas dans la vision, mais dans les commentaires qu'en fait Jésus en fin d'épisode. Il transpose les vies d'Élie et de Jean-Baptiste à celles des "voix" qui transmettent sa Parole :

Reconnaissez, vous qui êtes les "voix" de votre Jésus, du Roi des rois, du Fidèle et du Véridique qui juge et combat avec justice et sera le Vainqueur de la Bête et de ses serviteurs et prophètes, reconnaissez votre Bien et suivez-le toujours. Que nulle apparence trompeuse ne vous séduise et que nulle persécution ne vous abatte, Que votre "voix" dise mes paroles, Que votre vie soit pour cette œuvre. Et si vous avez sur la terre le même sort que le Christ, que son Précurseur et qu'Élie, sort sanglant ou sort tourmenté par des tortures morales, souriez à votre sort à venir et assuré qui vous sera commun avec celui du Christ, de son Précurseur et de son prophète. Égal dans le travail, dans la douleur, dans la gloire. Ici-bas Moi, Maître et Exemple. Là-haut, Moi Récompense et Roi. Me posséder sera votre béatitude.

3. Points en débat

3.1. La "transfiguration" de Marie

La Transfiguration du Seigneur fait suite à un enseignement de Jésus, inconnu des Évangiles, sur la transfiguration de Marie. "Ma Mère, avant Moi, doit être transfigurée aux yeux de ceux qui le méritent le plus, pour la montrer telle qu'elle est (EMV 348.8-11)." C'est grâce à ces confidences faites aux apôtres que l'on connaît certains épisodes de l'Évangile de l'enfance.

3.2. La "transfiguration" du croyant

"Oh ! Béatitude des béatitudes trop peu connue : vivre avec moi qui sais aimer ! Si Pierre s’écria sur le mont Tabor, uniquement parce qu’il me vit transfiguré : "Seigneur, qu’il fait bon d’être ici avec vous", que devrait dire l’âme qui a été elle-même transfigurée en devenant une molécule de mon cœur de Dieu ? Penses-y, Maria. Celui qui vit en moi devient une partie de moi. Comprends-tu ? De moi, Jésus, Fils du vrai Dieu, sagesse du Père, Rédempteur du monde, Juge éternel et Roi des siècles à venir, Roi pour l’éternité. L’âme qui vit abîmée dans mon cœur devient tout cela. Partie intégrante et vivante du cœur d’un Dieu, elle vivra éternellement comme Dieu dans la lumière, dans la paix, dans la gloire de ma Divinité.(Les cahiers de 1943, 12 août, p.223)”