Mgr Giovanni Pepe et Maria Valtorta

    De Wiki Maria Valtorta
    Mgr Giovanni Pepe (1880-1955), censeur au Saint-Office, photographié probablement en 1924

    Mgr Giovanni Peppe est né le 27 décembre 1880 à San Bartolomeo in Galdo, une ville de 4.800 habitants dans la province de Bénévent en Campanie. Il y est décédé le 30 août 1955. Il fut membre du Saint-Office où il rejoignit la section de la censure des livres, du 1er décembre 1931 à la fin 1955. C'est à ce titre qu'il intervint en première ligne, en février 1949, pour tenter de détruire les manuscrits de Maria Valtorta.

    Le 31 décembre 1951, il fut missionné, avec l'Abbé Emanuele Caronti[1], à San Giovanni Rotondo pour enquêter sur les agissements du Padre Pio de Pietrelcina. Le rapport qu'ils firent au final, aboutit à la restriction des pèlerinages et à l'interdiction des écrits et des images parlant du Padre Pio.

    La censure des années 1930 à 1950

    La section de la censure n'avait pas pour méthode de consulter tous les livres sortant en toutes les langues sur le christianisme. La tâche aurait été immense. Elle avait pour fonction de répondre aux signalements qu'on lui remontait. Autrement dit, à l'origine de la censure, il y avait toujours une personne (qui demeure anonyme pour le public) dénonçant un livre pour un motif précis[2].

    On saura donc un jour, en consultant les archives, qui a dénoncé l'œuvre de Maria Valtorta à la section de la censure, quand et pourquoi. Cela éclairera les responsabilités.

    Mgr Giovanni Pepe exerça la censure pendant 24 années au cours desquelles on vit des condamnations légitimes comme celle d'Ernst Bergmann (1981- 1945) qui prônait la création d'un "christianisme nazi", en rupture avec le "christianisme juif"[3]. Son "credo" était sans ambiguïté[4]. Ou comme celle de Giovanni Gentile (1875-1944) qui se décrivait lui-même comme le "philosophe du fascisme",

    D'autres sont compréhensibles dans le contexte de l'époque, telle celle d'Ernesto Buonaiuti (1881-1946), un prêtre catholique antifasciste, défenseur de la méthode historico-critique condamnée par l'encyclique Pascendi Dominici Gregis de Pie X (contre le modernisme) mais réhabilitée par l'encyclique Divino afflante Spiritu de Pie XII (1943), Toute son œuvre finit par être mise à l'Index (1910-1944) et son auteur excommunié. De même le Jésus de Charles Guignebert (1867-1939), disciple d'Ernest Renan, qui publia en 1933 la première vie de Jésus à vocation historienne en français dans un ouvrage sans attache religieuse. Ou encore Edouard Le Roy (1870-1954), ami de Teilhard de Chardin et d'Henri Bergson (eux-mêmes censurés). Il défendait des positions anti-intellectualistes qui lui faisait privilégier , dans la religion, le cœur, le sentiment ou la foi instinctive, et rejeter la théologie spéculative et les raisonnements abstraits.

    Mais d'autres démontrent une dérive antimystique qui contribuera à décrédibiliser la censure telle qu'elle était pratiquée. C'est ainsi que les livres sur la Divine Volonté de Luisa Piccarreta, reconnue comme Servante de Dieu[5], sont censurés en 1938. Il est admis officiellement aujourd'hui que les écrits mystiques de Luisa Piccareta ne comportent rien de contraire à la Doctrine de l'Église, mais qu'ils doivent être annotés pour éviter des contresens[6]. Ce que l'on peut dire par ailleurs de nombreux termes et concepts de la théologie ou de la morale catholique. L'année 1949 voit la tentative de destruction des écrits de Maria Valtorta et 1952, la mise à l'Index des écrits parlant de St Padre Pio.

    En 1959 (Mgr Pepe n'est plus en fonction) les écrits de sœur Faustine Kowalska[7] sont condamnés avant d'être réhabilités à la demande du futur Jean-Paul II qui la canonisa et instaura, dans l'octave de Pâques le Dimanche de la Miséricorde inspiré de ses révélations. La même année, les écrits de Maria Valtorta sont mis à l'Index, et le 1er juin 1960, le cardinal Ottaviani interrompait le procès en béatification de Mère Yvonne-Aimée de Malestroit craignant "une vague d'illuminisme" tant le nombre de faits extraordinaires jalonnant sa vie était important. Ce n'est qu'en 1980 que l'étude de sa cause, confiée à Mgr Laurentin, put reprendre son cours.

    La tentative de destruction de l'œuvre de Maria Valtorta

    Palais du Saint-Office à Rome (Palazzo del Sant'Uffizio) abritant aujourd'hui la congrégation pour la Doctrine de la Foi
    • Le 26 février 1948, Pie XII, au terme de son audience avec les promoteurs de l'œuvre, avait explicitement encouragé sa publication demandant cependant que les règles d'usage soient respectées et qu'un évêque donne son imprimatur.
    • Le 11 avril 1948, Mgr Alfonso Carinci, secrétaire de la Congrégation pour les Rites sacrés (actuellement pour la cause des saints) et proche de Pie XII, faisait le déplacement à Viareggio pour rencontrer Maria Valtorta.
    • Très rapidement Mgr Costantino Barneschi O.S.M. avait donné son imprimatur à un livret de 32 pages, intitulé Parole di Vita Eterna (Laboremus, Roma, 1948). Cet opuscule comportait quelques extraits et le plan de l’œuvre de Maria Valtorta qui devait être bientôt publiée. L’auteur était anonyme. Ce livret circulait librement au Vatican. Tout semblait donc bien engagé.

    Cependant des signaux d’alerte commencent à parvenir :

    • Le 25 octobre 1948, le Père Enrico M. Gargiani (1890-1965), Procureur général[8] des Servites de Marie, reçoit une demande du Pape Pie XII transmise par Mgrs G.B. Montini (futur Paul VI) et Domenico Tardini (1888-1961) : que la future publication soit sécurisée par un second imprimatur en bonne et due forme[9]. La Secrétairerie du Vatican proposait de faire appel à un imprimeur en dehors du Vatican pour éviter les réactions de "certains prélats hostiles". Elle suggérait pour cela la maison éditrice Michele Pisani (aujourd’hui Centro editoriale valtortiano). L’imprimatur devait être sollicité auprès de l’évêque de Sora-Aquino-Pontecorvo, diocèse de l’éditeur, qui se proposa de l’accorder[10].
    • Le 29 novembre, le Père Alfonso Benetti (1880-1958), Prieur général des Servites de Marie, reçoit un coup de téléphone (mais pas de courrier) du Saint-Office intimant l’ordre aux PP. Berti et Migliorini de ne plus s’occuper de la diffusion de l’œuvre. L’imprimatur obtenu n’étant pas, selon l’interlocuteur, conforme au droit canonique. Pour lui, Mgr Barneschi n’était que l’évêque "des zoulous". Il n’était l’évêque ni du lieu de l’auteur, ni de l’éditeur, ni de l’imprimeur[10]. On promettait des sanctions en cas de désobéissance. Dans ce cas, les PP. Berti et Migliorini auraient risqué la suspension Ad divinis[11].
    • Le 9 janvier 1949, sous la pression des évènements alarmants, Maria Valtorta prend l’initiative de s’adresser directement à Mgr Alfonso Carinci. Elle lui fait part que "des difficultés, continuelles et toujours croissantes, viennent de certains prélats pour empêcher le bon aboutissement de l’œuvre"[12]. Mgr Carinci temporise, il s'agit seulement d'une vérification, non d'une condamnation[13].
    • Le 20 janvier 1949, Maria Valtorta lui répond qu'elle approuve ces vérifications car elle même avait demandé aux Servites de Marie de ne pas publier l'œuvre avant l'approbation de l'Église et qu'elle continuera à écrire tant que le Ciel le lui demandera. En marge de cette lettre, Mgr Carinci note qu'il l'a montré, le 28 janvier, au Saint-Père qui en a été impressionné et a loué son esprit d'humilité. Le Saint-Père dit à Mgr Carinci qu'il se chargeait du Saint-Office.
    • Le 16 février 1949, le P. Berti lui écrit que tout semble aller dans le bon sens.
    • Le 23 février 1949, jour de l'entrée en Carême, un laïc de ses amis vient lui annoncer que l'œuvre a été condamnée. Que le Saint-Office avait pris toutes les précautions pour que cela reste secret mais que cela avait fuité[14]. Il lui envoyait un avocat pour intimer l'ordre aux Servites de Marie de se conformer à cette condamnation. L'avocat, à cette occasion, informait Maria Valtorta de toutes les dispositions du code de droit canonique que cette condamnation avait enfreintes.
    • C'est donc entre le jeudi 17 et le mardi 22 février 1949[15] qu'eut lieu l'invraisemblable séance dont Maria Valtorta apprendra les détails plus tard : l’œuvre fut brusquement stoppée. Le Père Berti fut convoqué par deux censeurs, Mgr Giovanni Pepe, en charge de la censure des livres, et le Père Girolamo Berutti. Il n’a pas le droit de parler, seulement de signer la lettre du Saint-Office et de remettre les manuscrits en sa possession. "Ici, ils resteront comme dans une tombe", lâche Mgr Pepe[16] .

    La brutalité et la brusquerie de cette manœuvre d’un autre temps, sans motifs, sans possibilité de s’expliquer, en dehors des règles canoniques, interroge. Mgr Pepe endosse le mauvais rôle, mais la lecture de sa biographie (voir ci-dessous) et les éléments rapportés par ailleurs, laissent penser qu'il ne fut que l'homme des basses œuvres. Il faudrait aller chercher l'orchestration plus haut, chez le P. Mariano Cordovani, théologien du Saint-Office que Maria Valtorta désigne nommément, soit chez le cardinal Alfredo Ottaviani que le P. Berti désigne pour sa part.

    Le veto à l'encontre du Padre Pio

    La "persécution" du Padre Pio

    Osservatore romano du 3 août 1952 portant mise à l'Index des ouvrages parlant du Padre Pio

    Qu'elle s'appelle la Sainte-Inquisition, le Saint-Office ou Congrégation pour la Doctrine de la Foi, la structure gardienne de l'intégrité du dépôt de la Foi n'est pas encline à accueillir toutes les manifestations nouvelles du Ciel. Elle a tendance à les exclure plus qu'à les inclure. C'est compréhensible quand cette attitude conduit au discernement, ce ne l'est pas quand elle conduit au rejet et, dans le cas du Padre Pio, à la "persécution" selon les mots du cardinal Giacomo Lercaro (1891-1976), archevêque de Bologne: "sa vie est une passion, dit-il, et les rapprochements avec la souffrance du Sauveur sont bien trop évidentes ! À commencer par l'incrédulité et par la persécution de ceux qui auraient pu et dû être les premiers à comprendre[17]".

    Un courant de pensée affirme que ces oppositions, violentes et douloureuses, éprouvent la foi, ce qui est vrai. Mais il vaut mieux les laisser à leur Auteur. En effet :

    • Qui demande à éprouver la sainteté de Job ? Satan[18].      
    • Qui demande à passer les apôtres au crible au soir de la Passion ? Satan[19].
    • Qui persécute saint Paul, comme une écharde dans sa chair ? Un envoyé de Satan[20].    
    • Qui éprouve Jésus au seuil de sa vie publique ? Satan.

    Satan a-t-il vraiment besoin de s’appuyer sur des responsables d’Église pour éprouver une sainteté ?

    Voici un aperçu des épreuves subies par le Padre Pio :
    "De 1931 à 1934[21], Padre Pio fut interdit de célébrer la messe, de confesser, et même de paraître au choeur de l’église. Les ennuis du Padre Pio ne s’arrêteront pas pour autant. D’autres sanctions et d’autres restrictions tomberont. Le 3 octobre 1960[22] encore, un communiqué du Vatican indique qu’un visiteur apostolique, Mgr Maccari, a quitté San Giovanni Rotondo après avoir mené une nouvelle enquête. Cela, «pour sauver l’Eglise d’une sorte de forme de fanatisme qui, malheureusement, s’insinue dans les bagages des passions humaines». Dans une lettre envoyée au Ministre général des capucins, le 31 janvier 1961, le cardinal Ottaviani faisait part des décisions du St-Office concernant le Padre Pio. La lettre mentionne «les trop nombreuses violations de la règle religieuse». Des mesures sont alors prises à nouveau, contenues en six points. Nous avons retenu les principaux: «Que de la manière la plus catégorique soient évitées les attitudes excessives des dévots et spécialement des dévotes au confessionnal du Padre Pio»; «Que soit absolument interdit au Padre Pio de recevoir des dames quand il est seul au parloir, au couvent ou ailleurs»; Que soit absolument respectée la distance entre le confessionnal du Padre Pio et les fidèles qui attendent leur tour pour se confesser.» Enfin, plus grave, selon des écrits et des documents retrouvés à la bibliothèque de la ville, durant 4 mois, en 1960, des micros furent placés dans le confessionnal du Père Pio, dans le parloir et jusque dans sa cellule. Les enregistrements effectués dans sa cellule durèrent moins longtemps, parce que le Padre Pio avait coupé le système au moyen de son canif. Au total, quelque 37 bandes magnétiques ont été enregistrées à l’insu de l’intéressé, de ses visiteurs et de ses pénitents. Une pratique sacrilège, normalement sanctionnée de l’excommunication. Les enregistrements étaient soit récupérés directement par un religieux du nom de Terensi, qui les acheminait de nuit et en toute discrétion à Rome, soit expédiés sous pli recommandé à partir de Foggia pour ne pas éveiller les soupçons. Avec Don Terensi, deux autres religieux sont désignés. A San Giovanni Rotondo, on préfère ne pas commenter le contenu de la lettre de 1961, et taire l’épisode des écoutes, peu glorieux. On n’en saura pas plus sur les suites à cette affaire, et pas davantage sur les mesures prises ou non contre les espions de l’âme[23]."

    L'intervention de Mgr Giovanni Pepe

    Osservatore romano du 5 août 1952 portant atténuation de la mise à l'Index des livres parlant du Padre Pio

    Quelques mois après sa mission du 31 décembre 1951, le 30 juillet 1952, Mgr. G. Pepe publiait un décret par lequel huit ouvrages consacrés à Padre Pio étaient inscrits à l'Index des livres interdits[24].

    Le décret fut largement rapporté dans l'Osservatore Romano du 3 août 1952 (voir ci-dessus : Nostre informazioni). Les livres placés à l'index étaient :

    • Carlo Trabucco, Il mondo di Padre Pio
    • Giancarlo Pedriali, Ho visto Padre Pio
    • Piera Delfino Sessa, P. Pio da Pietrelcina
    • Donato Apollonio, Incontri con Padre Pio
    • Domenico Argentieri, La prodigiosa storia di Padre Pio
    • Guido Greco Fiorentini, Entità meravigliosa di Padre Pio
    • Carmelo Camilleri, Padre Pio da Pietrelcina
    • Franco Lotti, Padre Pio da Pietrelcina""
    Et cela sans en avoir informé au préalable le Souverain Pontife, qui n'en prit connaissance qu'en lisant l'Osservatore Romano[25]. Sa réaction ne se fit pas attendre : il fit publier le 5 août, deux jours après, une nota di accomodamento (atténuation) par le cardinal Giuseppe Pizzardo (1877‑1970) en charge de la direction du Saint‑Office (voir ci-contre : A proposito di un Decreto del Sant'Offizio) :
    "La dicharazione del Sant’Officio non implica una condanna della personna del Padre Pio o nemmeno delle personne degli autori dei libri stessi" (La déclaration du Saint‑Office n’implique pas une condamnation de la personne de Padre Pio ni même de la personne des auteurs des livres eux‑mêmes).
    Le style est diplomatique, mais ce n'était pas une déclaration qui avait été publiée, c'était une condamnation qui au titre de l’article 1399[26] rangeait le Padre Pio entre les hérésies et les attaques contre les bonnes mœurs. Ce n'était pas un simple rappel du canon 1385[26], comme l'indique la notice, faisant obligation de l’imprimatur pour "tous les écrits dont le sujet touche à la religion", (le même qu’on invoqua pour Maria Valtorta).

    Ces huit mises à l’Index que Pie XII venait de faire enlever ne furent jamais inscrites dans les Actes du SaintSiège. où toutes les condamnations sont inscrites. Pie XII exigea aussi la démission de Mgr Pepe[25].

    Il ne semble pas qu'on puisse retenir une défaillance humaine. Mgr Pepe était à la censure des livres depuis 24 ans : il connaissait parfaitement les procédures. Ce triste épisode de fin de carrière trahit plus probablement une déviance du Saint-Office qui finissait par se prendre pour le Pape (que la hiérarchie ne l'ait pas su, semble improbable). Les manœuvres occultes de 1949 autour de la tentative de destruction de l'œuvre de Maria Valtorta comme l'affrontement, en 1950, avec Luigina Sinapi, familière du pape, qui était venue la défendre, ainsi que la pétition initiée en janvier 1952 par Mgr Alfonso Carinci en faveur de l'œuvre, ne sont certainement pas étranger à ce climat. Mais la persistance de l'hostilité envers l'œuvre de Maria Valtorta après le départ de Mgr Pepe, accrédite l'hypothèse que cette opposition venait du sommet du Saint-Office et non d'un simple exécutant si brillant soit-il.

    Qui était vraiment Mgr Giovanni Pepe ?

    Eglise et institut du Calvaire (en construction) fondé par Mgr G. Pepe à San Bartolomeo in galdo. Source : sanbartolomeo.info

    Le Père Giovanni Pepe eut en effet, semble-t-il, une carrière brillante. Il fut secrétaire de Mgr Alessio Ascalesi (1872-1952) cardinal archevêque de Naples. Le cardinal apprécie ses "excellentes qualités d'esprit et de cœur" et son caractère trempé : "Pepe est un homme qui ne se laisse pas démonter par les difficultés et les controverses dans ses initiatives bénéfiques, au contraire, elles le rendent plus fort, plus passionné dans ses élans de cœur généreux et ses saintes intentions"[27].

    En effet, le P. Giovanni Pepe a une obsession : ouvrir une maison de retraite et de repos pour les plus démunis[28]. L'occasion s'en présente avec la mise en vente d'une église délabrée de sa ville natale, connue comme la chiesa del Calvario (l'église du Calvaire). Ses supérieurs l'encouragent dans son initiative[29], Ii trouve les fonds pour acheter cette église et le terrain et le 29 février 1922, il en devient propriétaire. Peu de temps après, le 23 avril 1924, la municipalité cède à titre gratuit les terrains adjacents[28]. C'est à cette époque qu'il est nommé Monsignore[30]. Il s'installe alors, avec sa sœur Carmela, dans un local annexe restauré à ses frais. C'est de là qu'il peut assister à la pose de la première pierre (2 juin 1929, il a 49 ans) du bâtiment de la maison de retraite adjacente à l'église rénovée.

    Il a peu de temps pour en profiter. En septembre 1929,il est nommé recteur du séminaire pontifical Pie XI à Fano dans les Marches, à 400 km au nord, sur le bord de la mer Adriatique. Il y reste deux ans. Il se montre énergique mais paternel. Le 30 octobre 1930, Fano est secoué par un tremblement de terre de magnitude huit. Il communique son sang-froid à ses élèves qui ne cèdent pas à la panique. Lors de son court séjour, il fonde une section de l'Action catholique alors en plein essor sous l'impulsion de Pie XI. Ce mouvement, auquel adhèrera Maria Valtorta fut considéré comme une opposition à sa politique par le pouvoir fasciste. Lors de son discours inaugural, Mgr Pepe montre son caractère énergique et exigeant :
    "Je ne demande pas vos applaudissements et vos acclamations, mais plutôt votre prière intime adressée au Seigneur, afin qu'il m'aide par sa grâce à accomplir le très haut devoir de votre formation religieuse, morale, intellectuelle. Je ne suis rien et je ne vaux rien, mais c'est précisément pour cela que je voudrais crier avec saint Paul : – Je peux tout en celui qui me donne la force[31] -. Nous devons tous devenir - supérieurs, professeurs, étudiants - des instruments dociles entre les mains de l'Éducateur Suprême Jésus-Christ, pour coopérer ensemble et étroitement unis avec Lui pour préparer de nouveaux ministres de l'Église, de nouveaux apôtres pour la société, qui a une soif incessante de la vérité, pour la justice, bien. À vous, chers jeunes, je voudrais pouvoir appliquer l'expression paulinienne de la lettre aux Galates : - Mes enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous[32] -, puisque c'est précisément cette formation mystique et cette reproduction de l'esprit de Jésus-Christ dans votre conscience, le but suprême que vous voulez atteindre avec l'aide divine, avec toute mon humble activité[33]."
    Il ne reste donc que deux ans à Fano. Le 1er décembre 1931, il rejoint le Saint-Office. La même année, l'établissement de San Bartolomeo di galdo qu'il avait fondé est achevé, mais faute d'équipements adaptés qui permettrait le démarrage d'une réelle activité et l'éloignement, poussent Mgr Pepe a faire don de l'établissement aux sœurs de la Charité qui en feront un institut.

    Cette biographie dresse un tout autre visage de Mgr G. Pepe que celui du censeur de Maria Valtorta et de Padre Pio. Elle laisse le sentiment d'un strict exécutant d'une discipline et des directives plutôt que celle d'un opposant acharné, à l'image de cette maxime que sa biographe lui prête : "la volonté des autorités qui nous commandent est la volonté même de Dieu"[27].

    Notes et références

    1. Dom Emmanuel Caronti (1882-1966) alors abbé général de la Congrégation bénédictine de Sublacense.
    2. Index librorum prohibitorum, 1948.
    3. Deutsche Nationalkirche, mis à l'Index en 1934 ou ie natürliche Geistlehre, mis à l'Index en 1937.
    4. "Je crois au Dieu de la Religion Allemande, qui travaille dans la nature, dans le grand esprit humain et dans la puissance de son peuple. Et à l'aide du Christ, qui se bat pour la noblesse de l'âme humaine. Et à l'Allemagne, la terre éducative de la nouvelle humanité"
    5. "Servante de Dieu" s'applique aux personnes dont l'ouverture du procès en béatification a été accepté officiellement par l'Ḕglise.
    6. En juin 2024, donnant suite aux explications fournies par le postulateur, Paolo Rizzi, le Dicastère pour la Doctrine de la foi a donné son nihil obstat à la poursuite de la cause, sous la condition que soit établit une édition critique et annotée des écrits de Luisa Piccarreta, afin d'éviter "certaines expressions qui conduisent facilement à des interprétations trompeuses et erronées du message chrétien" (communiqué du 10 août 2024 de Paolo Rizzi).
    7. Le 6 mars 1959, le Saint-Office publie dans les Actes du Saint-Siège, le décret suivant : "Qu’il soit rendu public que la Congrégation du Saint-Office, après avoir examiné les prétendues visions et révélations de Sœur Faustine Kowalska, de l’institut de Notre-Dame de la Miséricorde, décédée en 1938 près de Cracovie, a décidé ce qui suit : Il faut interdire la diffusion des images et des écrits qui présentent la dévotion à la Divine Miséricorde dans la forme proposée par ladite Sœur Faustine. Il est requis de la prudence des évêques de devoir faire disparaître lesdites images qui ont éventuellement déjà été exposées au culte". Cette condamnation intervient seulement 8 mois avant la condamnation de Maria Valtorta (16 décembre 1959) et quelques mois après la mort de Pie XII (9 octobre 1958).
    8. Procuratore. Dans un ordre religieux le procureur général a en charge les intérêts matériels de l’ordre. Il s’agit donc du secrétaire général à qui les deux collaborateurs du Pape s’adressent comme leur équivalent hiérarchique.
    9. Lettres à Mère Teresa Maria, tome 2, 11 novembre 1948, p. 167-168.
    10. 10,0 et 10,1 Ib°, 16 décembre 1948, page 172.
    11. Peine d’exclusion touchant les prêtres qui ne peuvent plus administrer les sacrements.
    12. Lettere a Mons. Carinci {it}, courrier du 9 janvier 1949.
    13. Id°, lettre du 17 janvier 1949.
    14. Id°, lettre du 8 mars 1949.
    15. Le P. Berti, seul témoin, a rapporté les circonstances de l'entrevue, mais n'a pas précisé la date exacte. Dix ans plus tard, le rédacteur de l'article de l'Osservtore Romano fera de même. On notera que cette condamnation occulte intervient quasiment un an, jour pour jour, après l'audience papale qui encourageait la publication de l'œuvre.
    16. "Qui rimaranno come in un sepolcro" Attestation du Père Berti : Exposizione, § 4.
    17. Commémoration de Padre Pio de Pietrelcina, 8 décembre 1968, cathédrale de Bologne, "Mais ce qui l'a affligé au plus profond, jusqu'à le faire agoniser comme le Sauveur au jardin des oliviers, n'a pas été tant le fait qu'il souffrait pour l'Église [...] que le fait qu'il souffrait par l'Église : par des gens d'Église, qui alourdissent la communauté, animée par l'Esprit du Christ et sacrement admirable de salut, du poids de leurs misères, de leur avidité, de leurs ambitions, de leurs étroitesses et de leurs déviations."
    18. Job 1,7-12.
    19. Luc 22, 31.
    20. 2 Corinthiens 12, 7.
    21. Mgr Giovanni Pepe vient d'entrer en fonction à la censure.
    22. Mgr Giovanni Pepe a quitté ses fonctions depuis cinq ans.
    23. Source : Padre Pio: 50 ans de souffrances, de suspicions, d’interrogations, 12 juin 2002, cath.ch, le portail catholique suisse, soutenu par Agence de presse internationale catholique (apic),
    24. Giovanni Siena Il mio amico Padre Pio: Diario di Trent'anni vissuti accanto al santo di Pietrelcina (Journal de trente ans de vie à côté du saint de Pietrelcina) dans le chapitre 1952.
    25. 25,0 et 25,1 Luigi Peroni, Padre Pio, le saint François du XXe siècle, page 138-139, 1999, éditions saint-augustin.
    26. 26,0 et 26,1 Code de droit canonique (Codex Iuris Senior) 1917, en usage à l'époque : canon 1399 | canon 1385.
    27. 27,0 et 27,1 Teresa Pacfico, Mons.G.Pepe e l’Istituto del Calvario, sanbartolomeo.info, 14 juin 2003.
    28. 28,0 et 28,1 Paolo Angelo Furbesco, Chiesa del Calvario, sanbartolomeoi.info, 5 juin 2011.
    29. L'archiprêtre Ernesto Saccone, du clergé local et de l'évêque de Lucera, Mgr Giuseppe Di Girolamo.
    30. Mgr (Monsiniore ou Mons. en italien) désigne ici le titre honorifique de Prélat et non d'évêque au sens d'autorité à la tête d'un diocèse.
    31. Philippiens 4,13.
    32. Galates 4,19.
    33. Teresa Pacifico, Censore, educatore e benefattore, sanbartolomeo.info, 30 mars 2003.