Fogazzaro et Maria Valtorta

    De Wiki Maria Valtorta
    Antonio Fogazzaro (1842-1911). Source : Wikipedia commons
    Maria Valtorta lisait principalement des livres de spiritualité ou des vies de saints. Un livre la marqua particulièrement : Le saint d'Antonio Fogazzaro (1842-1911). Quand elle le découvre, Maria Valtorta a 24 ans et traverse une période sombre de sa vie dans laquelle elle cherche avidement les lumières de la foi. Elle est alors en résidence dans sa parenté à Reggio de Calabre où elle se remet de l'attentat anarchiste qui lui avait cassé les reins avec une barre de fer. Sa cousine Clotilde dispose d'une abondante bibliothèque dans laquelle elle puise sans fin.
    "Les autres ouvrages me plurent plus ou moins. Mais ils me plurent comme des romans à proprement parler, c’est-à-dire comme de belles fables dont on fait lecture pour passer le temps et qui, après lecture, ne laissent aucunes traces. Le Saint, au contraire, marqua mon cœur de façon indélébile. Et il y laissa une bonne trace [...] Ce livre me jeta en plein dans le grand fleuve, ou plutôt dans l’océan, de la miséricorde divine et il m’encouragea à avoir confiance dans les valeurs surnaturelles de l’expiation, du repentir qui, comme un baptême nouveau, nous rend à nouveau pure et agréable à Dieu. La lecture des progrès, des victoires spirituelles, de l’ascension de Franco[1] dans le royaume de l’esprit me donnèrent l’élan et la force de devenir plus audacieuse dans l’amour.

    Jusqu’à cette époque, le souvenir de mes fautes m’avait toujours un peu paralysée. Comme un enfant qui a fait quelque grosse bêtise et qui est encore tout timide au souvenir de sa polissonnerie, même s’il sait qu’il a été pardonné. Depuis un an j’espérais fortement dans le Seigneur et en sa miséricorde. Mais je n’osais pas encore lui dire: “Je t’aime. Je me consacre à toi. Je me mets entièrement à ton service”. J’avais fait tellement de peine au bon Dieu! Fogazzaro me convainquit qu’aucune faute n’est assez grande pour échapper à la rédemption, que le souvenir d’une faute passée ne doit jamais faire obstacle à notre progression vers le Bien et qu’il ne faut pas faire au bon Dieu l’offense de croire qu’il est si peu Père, qu’il se manifeste davantage comme Juge que comme Sauveur.

    Par la suite j’ai retrouvé cette doctrine dans les écrits du bienheureux Claude de la Colombière et surtout dans ceux de sœur Benigna Consolata Ferrero, qui sont tout simplement dictés par Jésus lui-même. Mais pendant plus de deux ans, celui qui me jeta dans la mer immense de la Miséricorde divine ce fut Fogazzaro avec son Saint. Je pense parfois qu’en raison du bien que ce livre a fait à mon âme et à d’autres âmes blessées comme la mienne, tremblantes comme la mienne, Dieu aura certainement accordé à cet écrivain la paix éternelle[2]."

    "Le saint" et son auteur

    Il Santo (1925)

    Ce livre, paru en 1905, connut un grand succès[3], mais il fut mis (lui aussi) à l'Index des livres prohibés. On lui reprochait de donner dans le "modernisme" que Pie X n'allait pas tarder à condamner dans son encyclique Pacendi Dominici gregis[4]. La période n'est pas simple pour les catholiques italiens : C'est l'époque où l'Italie construit son unité et son identité autour de Rome. L'Église cesse progressivement d'être une puissance temporelle à la tête des États pontificaux pour devenir la puissance spirituelle du Vatican. Antonio Fogazzaro ne partage pas le raidissement et le repli que provoquent ces bouleversements. Il proclame tout au contraire la puissance de la foi qu'il avait retrouvée a 31 ans (1873). Pour lui la science et la démocratie servaient l'œuvre de Dieu et ne la combattaient pas. Cet esprit brillant, devenu sénateur en 1900, fut appelé à prononcer l'éloge funèbre de Giuseppe Verdi, le grand musicien.

    Antonio Fogazzaro, comme Maria Valtorta et tant d'autres, supporta l'épreuve de cette condamnation. Son dernier livre Leila, fut mis aussi à l'Index. Il contenait pourtant son épitaphe qu'il avait composée d'avance :
    "Il n'a rien aimé sur la terre plus que l'Église[5] [...]. Le vrai caractère de son œuvre ne fut pas d'agiter des questions théologiques où pour lui le terrain n'était pas sûr ; ce fut de rappeler les croyants de tout ordre et de toute condition à l'esprit de l'Évangile."
    Comment ne pas reconnaître une prémonition dans la rencontre de l'œuvre de Fogazzaro et Maria Valtorta qui écrit à son confesseur :
    "Je m’approchais toujours davantage de mon Dieu, encore un peu timidement parce que je ne savais pas jusqu’à quel point peut oser une âme dans la voie de l’amour et de la confidence. Et mon Maître me donna par ce livre un grand coup de pouce. Ne soyez pas scandalisé, mon Père, si je vous dis qu’il s’agissait d’un livre à l’index."
    Elle le savait donc mais elle ne s'en préoccupe pas sur le moment. Cependant, vingt ans plus tard, elle a cette réflexion sur la mise à l'Index du livre de Fogazzaro qui s'applique tellement à la vie de Jésus qu'elle recevra par révélation privée :
    "Je ne m’attarde pas sur les raisons qui ont entraîné sa mise à l’index. C’est là un sujet qui ne me concerne pas. Les autorités compétentes qui l’ont condamné auront eu de bonnes raisons. Mais moi aussi maintenant je me pose cette question et je l’ai posée à bien des prêtres, qui n’ont cependant pas su me donner de réponse satisfaisante. Mais quant à moi ce livre me fit le plus grand bien, et j’ai rencontré des personnes qui m’ont affirmé la même chose à leur égard."
    Il est à noter que c'est le mot "raisons" qu'elle souligne et non le mot "bonnes". En effet elle se pose la question qui sera plus tard la question sans réponse des lecteurs de Maria Valtorta et la sienne : pourquoi avoir mis à l'Index L'Évangile tel qu'il 'ma été révélé qui fait "le plus grand bien" ?

    Moderne et non pas moderniste

    Dans le roman Le Saint, le personnage principal, Benedetto, s'inspire[6] des thèses d'Antonio Rosmini (1797-1855) auxquelles adhérait Fogazzaro et qui donc frappèrent l'âme de Maria Valtorta. Le site Nominis présente ainsi le Bienheureux Rosmini :
    "Antonio Rosmini (1797-1855) fondateur de l'Institut de la Charité et des Sœurs de la Providence. Antonio Rosmini, grande figure de prêtre et homme de culture éminent, animé d'un amour fervent pour Dieu et pour l'Église, a témoigné de la vertu de la charité dans toutes ses dimensions et à un haut niveau, mais ce qui l'a rendu le plus célèbre, c'est son engagement généreux pour celle qu'il appelait la 'charité intellectuelle', c'est-à-dire la réconciliation de la raison avec la foi[7]."
    Et il note aussi :
    "Antonio Rosmini (1797-1855), mis à l'Index par le Saint-Office en 1849 pour certains de ses écrits avant d'être réhabilité plus de 150 ans plus tard, en 2001, a été béatifié à Novare le 18 novembre 2007 et loué par Benoît XVI à l'Angelus dominical[8] [...] Jugé une première fois par le Vatican en 1854, il est acquitté. Il meurt à Stresa le 1er juillet 1855. En 1887, l'Église condamne 40 propositions extraites de ses œuvres, condamnation qui a été levée en 2001, sous la forme d'une note de celui qui était alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Joseph Ratzinger."
    C'est donc une victime supplémentaire des dérives qui finirent par engloutir l'Index des livres prohibés, supprimé en 1966. Signe supplémentaire : c'est le cardinal Ratzinger qui réhabilita les écrits d'Antonio Rosmini en 2001 comme il l'avait fait dix ans auparavant avec les écrits de Maria Valtorta. Tous ces précurseurs ont souffert par l'Église, pour l'Église à laquelle ils sont restés fidèles.

    Si le modernisme, condamné avec raison[9], se servait de la science contre la Révélation, ces acteurs, à l'image de l'œuvre de Maria Valtorta, s'en servent pour l'authentifier.

    Notes et références

    1. Le personnage principal du roman n'est pas Franco, mais Piero Maironi, surnommé Benedetto.
    2. Autobiographie, p. 266/267.
    3. Lire le livre en français sur Gallica.bnf.
    4. Encyclique Pascendi Dominici gregis, sur les erreurs du modernisme, Pie X, 8 septembre 1907.
    5. "Non amò nulla in terra più della Chiesa". Il a écrit aussi sa devise : "Prega, spera e ama Dio nel silenzio dell’anima", ce qui signifie en français : "Prie, espère et aime Dieu dans le silence de l'âme".
    6. Article Wikipédia (en anglais).
    7. Citation de Benoît XVI, Angélus du dimanche 18 novembre 2007.
    8. Outre l'angélus du 18 novembre 2007, Benoît XVI a cité le Bienheureux Antonio Rosmini dans l'angélus du 9 janvier 2011 et dans celui du 30 octobre 2011.
    9. EMV 652 : L'adieu à l'œuvre - combattre les erreurs.