Les diverses vies de Jésus

    De Wiki Maria Valtorta

    Les périodes de grande foi sont des périodes où les représentations de Jésus et de sa vie sont les plus populaires, c'est lié. Elles sont alors dans tous les aspects de la vie quotidienne et nous lèguent leur trace architecturale, artistique ou littéraire. Ce n'est pourtant pas leur rigueur historique qui en fit le succès, mais leur capacité à rendre actuel Jésus et sa vie, de l'incarner dans la vie de ces époques en quelque sorte.

    Saint Nicéphore de Constantinople (758-828) disait, en défendant les icônes contre les iconoclastes qui pensaient leur culte idolâtres : "Dieu s’étant rendu visible par l’Incarnation du Christ, représenter en image l’humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’il apparut sur la terre, c’est confesser la réalité de son Incarnation et de notre Salut."

    C'est cette capacité à rejoindre Jésus sur les routes de Palestine à travers le temps et l'espace qui caractérise l'œuvre de Maria Valtorta et dans un but précis: "Réveiller chez les Prêtres et chez les laïcs un vif amour pour l’Évangile et pour ce qui se rapporte au Christ (EMV 652, p. 550)."

    Le Bienheureux Allegra, dans son analyse de l'œuvre de Maria Valtorta concluait entre autres:
    "Il y a donc dans l'ouvrage de Maria Valtorta une transposition, une traduction de la Bonne Nouvelle annoncée par Jésus dans le langage de l’Église d'aujourd'hui, une transposition voulue par Lui, étant donné que la voyante était privée de toute formation technique théologique. Et cela a pour but, je pense, de nous faire comprendre que le message de l’Évangile annoncé aujourd'hui par Son Eglise d'aujourd'hui, avec le langage d'aujourd'hui, est substantiellement identique à celui de Son propre Enseignement d'il y a vingt siècles[1]."

    Contre un courant contemporain, ce bibliste renommé reconnaît donc que fondamentalement l'œuvre de Maria Valtorta, "voulue par Lui" défend l'immuabilité de l'Évangile. Ainsi la bouteille d'eau de source vive n'est pas la source, mais ce qu'elle contient est "substantiellement identique" à elle. Toute représentation de "l’humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ, tel qu’il apparut sur la terre" confesse "la réalité de son Incarnation et de notre Salut", c'est pourquoi elle est entourée de vénération.

    C'est une vérité voulue par Dieu, développée sous son impulsion mais parfois dévoyée.

    Les vies de Jésus illustrées

    Quand les artistes du Moyen-Âge représentaient les apôtres en habits de leur temps, ils représentaient une réalité acculturée. Les bas reliefs qui entouraient le maître-autel de Notre-Dame de Paris représentaient les scènes du Nouveau Testament. Ils ont nourris la prière de générations de fidèles et pourtant la présentation de Jésus au Temple suivait l'adoration des mages, ce qui est impossible puisque cette venue a provoqué la fuite en Égypte. La réalité était dans le cœur des fidèles, non dans l'expertise historique.

    Jésus a voulu continuer à parler aux croyants dans la suite des temps. Les reliques, notamment celles de la Passion, ont ce but et vivent dans les traditions populaires. Celui qui a tant aimé les siens, continue à les aimer jusqu'au bout des temps[2]. Non pas intellectuellement mais dans un rapport physique comme le sont les photos des êtres aimés qui peuplent notre proximité, comme le sont les souvenirs qui peuplent les mémoires et les cœurs qui se retrouvent, s'appellent, s'écrivent.

    On retrouve cet amour mutuel et incarné dans l'œuvre de Maria Valtorta qui rapporte les circonstances dans lesquelles les reliques de la Passion furent réunies, vénérées et transmises. Il n'y a rien de plus humain dans ce reflexe et de plus divin dans leur réalisation.

    Véronique (Nikê dans l'œuvre) apporte son voile à Marie en consolation divine (EMV 612.20) - Longinus (saint Longin) qui apporte les souvenirs de crucifixion (EMV 614.6) que Marie joint à ceux de la dernière Cène, réunis dans un coffre (EMV 641.3). Nicodème, rompant avec un interdit du Judaïsme, fait sculpter le premier crucifix pour y conserver un des deux linceuls[3], celui de l'embaumement (EMV 644.6).

    Les vies de Jésus commentées

    Ces vies de Jésus sont nombreuses dans la suite de l’exégèse historico‑critique apparue en Allemagne au milieu du XIXe siècle. Elles sont presque toutes des succès de librairie. Parmi elles :

    Ernest Renan (1823‑1892). Il écrivit la sienne en 1863. Pour ce père du positivisme, Jésus n’est qu’un personnage historique, sans autres attributs. Il ne raconte pas une nouvelle vie de Jésus, mais commente ce qu’il en pense. Ce fut un grand succès et une référence pour tout un courant de pensée en rupture avec la tradition de l’Église.

    Au tournant du siècle plusieurs de ces "vies" apparaissent.

    En 1928, le Père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938) publie "L’Évangile de Jésus-Christ" qui rencontre un immense succès car il le rendait accessible bien que ses commentaires condensent les connaissances pointues qu’avait accumulé ce fondateur de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem et de la Revue biblique. Il en faisait aussi une présentation en un seul récit. Cette unification, logique puisque Jésus n’a vécu qu’une seule vie, est une longue recherche depuis le Diatessaron de Tatien (170 de notre ère).

    Le P. Lagrange mettait la méthode historico-critique au service d’une lecture théologique de la Bible. C’était bien là sa finalité. Mais il bravait le courant officiel qui voyait cette entreprise comme "moderniste". Ce qui avait été condamné par Pie X. Son successeur, Benoît XV, condamna d’ailleurs la démarche de P. Lagrange dans l’encyclique Spiritus Paraclitus du 15 septembre 1920[4]. On retrouve là, la difficulté pour les milieux installés à accueillir le souffle de l’Esprit et leur réflexe de contrer cela en faisant appel aux condamnations disciplinaires qui ne durent que le temps de les lever. Ainsi l’encyclique Divino Afflante Spiritu de Pie XII réouvrit en effet, en 1943, le droit à l’exploration historique de la Bible. Aujourd’hui le P. Lagrange est considéré comme le principal responsable du renouveau actuel de l'exégèse catholique et sa cause en béatification a été introduite en 1988, cinquante ans après sa mort.

    Bien que condamnée et publiée dans un climat officiellement hostile, "L’Évangile de Jésus-Christ" fut édité avec une lettre du cardinal Pacelli, futur Pie XII, alors secrétaire du pape Pie XI au nom duquel il remerciait le Père Lagrange.

    Dans l’avant-propos de son ouvrage, le P. Lagrange a une réflexion qui éclaire notre regard sur l’Œuvre de Maria Valtorta :
    "L'évangile est insondable, et l'on n'écrira jamais trop sur Notre-Seigneur Jésus-Christ, si cela peut être utile à quelques âmes seulement. Toutefois j'ai renoncé à proposer au public une "Vie de Jésus" selon le mode classique, pour laisser parler davantage les quatre évangiles, insuffisants comme documents historiques pour écrire une histoire de Jésus-Christ comme un moderne écrirait l'histoire de César Auguste ou du cardinal de Richelieu, mais d'une telle valeur comme reflet de la vie et de la doctrine de Jésus, d'une telle sincérité, d'une telle beauté, que toute tentative de faire revivre le Christ s'efface devant leur parole inspirée. Les évangiles sont la seule vie de Jésus-Christ qu'on puisse écrire. Il n'est que de les comprendre le mieux possible".
    Ce qu’il s’efforce de faire par des commentaires qui sont déjà, de façon embryonnaire, la mise en contexte vivante que l’on trouve si bien développée dans L’Évangile tel qu’il m’é été révélé, de Maria Valtorta. En commentant de façon unifiée l’ensemble des quatre Évangiles, il opposait aussi aux éditions critiques sur Jésus qui bien souvent aboutissent à disloquer ce qui est fondamentalement vivant parce qu’unifié :
    "La critique indépendante […] divisait, mettait en morceaux, pulvérisait. Aujourd'hui encore c'est le dernier mot de tant d'efforts que d'arriver à une poussière de traditions tantôt en lutte les unes contre les autres, tantôt dérivées les unes des autres, moins heureuses que les atomes de Démocrite, puisqu'elles n'arrivent jamais à constituer un tout vivant. Et certes l'analyse est légitime, et cette opération délicate peut n'avoir qu'un résultat négatif, à savoir dans le cas où l'on n'aboutirait à reconnaître aucune histoire qui fût vraisemblable, sinon tout à fait établie. C'est l'opinion, semble-t-il, de la critique radicale, celle qui parle le plus haut : il en est même qui ont conclu de l'examen de la tradition que Jésus n'avait pas existé".
    Peu de temps après, en 1945, Daniel‑Rops (1901‑1965) écrivit son Jésus en son temps, un ouvrage vendu à un demi‑million d’exemplaires. Il convoque la science historique en soutien au Christ des Évangiles, mais il commente sa vie dans son contexte historique, sans la rapporter.

    En 1996, l’Abbé Laurentin (1917‑2017) écrivit sa Vie authentique de Jésus‑Christ dans laquelle il fait témoigner, dans le même but, ses domaines d’excellence : l’histoire, la théologie, l’exégèse, etc. mais cette vie de Jésus commente elle aussi les principaux faits sans les décrire. Sa vie de Jésus fut cependant si remarquable que le cardinal Ratzinger (Benoît XVI) y fait plusieurs fois référence dans L’Enfance de Jésus qu’il fit paraître en 2012.

    Qu’elles soient documentées ou imaginaires, développées ou épisodiques, favorables ou hostiles à la Tradition, les "vies de Jésus" sont des commentaires des Évangiles.

    L’Évangile tel qu’il m’a été révélé rapporte tout au contraire, les 373 péricopes[5] des quatre Évangiles, mais sans commentaires. Elles s’exposent dans la pureté des faits et des paroles, sans rajouts. Il n’y a pas d’explications historiques ou théologiques, si ce n’est les catéchèses éparses de Jésus qui les donne avec autorité, sans référence à un auteur humain.

    Etudes, essais et romans

    Régulièrement paraissent des ouvrages ambitionnant de révéler le secret enfoui (ou volontairement dissimulé) sur la vie de Jésus. La publication est sûr de son succès car "Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau" prophétisait saint Paul[6].

    En effet, ces ouvrages s'appuient sur une sélection restreinte de sources : parfois un seul évangéliste duquel ils sélectionnent quelques versets qui seront mêlés à des ingrédients exotiques. Dans les manques ainsi crées s'échafaudent les supputations et les extrapolations. La frontière disparaît entre l'Évangile et le Da Vinci code.

    À l'opposé l'œuvre de Maria Valtorta, tout aussi populaire, décrit 652 visions qui se superposent intégralement aux quatre récits évangéliques sans omission (si ce n’est quelques rares phrases de style) et sans contradiction, ni dans les actes, ni dans les enseignements, ni dans les personnages, ce que, de son côté, prétendent trouver tout au contraire beaucoup de publications sur la vie de Jésus.

    Les vies de Jésus révélées

    L’Œuvre ne se rattache donc pas aux travaux humains sur la vie de Jésus, mais aux "vies révélées" telles qu’en a connu l’histoire de l’Église, notamment avec la Cité mystique de Marie de Ágreda (1602-1665) et Les Visions d’Anne-Catherine Emmerich (1774-1824), toutes les deux ayant, à des degrés divers, reçu les visions de la vie du Christ et les commentaires du Ciel.

    Les historiens refusent de prendre les révélations privées comme source historique. En effet, par définition une révélation privée est postérieure à l’époque et appartiennent au domaine de l’impalpable. C’est donc parfaitement acceptable …sauf dans un cas : celui où les visions historiques sont d’authentiques visions qui ont traversées le temps. Et le moyen de le vérifier, est justement de passer les éléments rapportés au crible des sciences actuelles. Le trésor n’est donc accessible que si on ouvre le coffre. Pie XII le disait : "qui lira comprendra".

    Si la lumière des étoiles mortes depuis des millions d’années est encore visible, combien plus des scènes vécues il y a seulement 2 000 ans peuvent être visibles, comme à travers une caméra, avec les yeux de Dieu.

    Notes et références

    1. Analyse de l'œuvre de Maria Valtorta par Gabriele M. Allegra, Langage.
    2. Cf. Jean 13,15.
    3. Ce crucifix est conservé au tempietto de la cathédrale de Lucques (cathédrale San Martino). Il est attribué à Nicodème. Le crucifix serait arrivé à Lucques au VIII° siècle d’une façon tout aussi miraculeuse que la Maison de Nazareth de Lorette. Lucques (Lucca) est le siège épiscopal du diocèse de Viareggio où résidait Maria Valtorta. C'est son archevêque qui est le référent pour sa cause de béatification.
    4. Texte en français sur la Porte latine. L'encyclique n'existe pas en français sur le site du Vatican.
    5. Une péricope désigne un extrait formant une unité littéraire ou une pensée cohérente. Sur 373 péricopes, 111 sont propres à un seul Évangile, les 262 autres étant communes tantôt à trois, tantôt à deux évangélistes (parfois quatre, notamment pour la Passion). Les deux Évangiles de l'enfance (Matthieu 1 – 2 et Luc 1 – 2) n'ont pas un seul épisode en commun.
    6. 2 Timothée 4,3.