Parabole du pharisien et du publicain

    De Wiki Maria Valtorta
    Le pharisien et le publicain, d'après James Tissot, Musée de Brooklyn

    La parabole de l’Évangile est rapportée par Luc 18,9-14. Elle est dite "À l’adresse de certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres."

    La parabole

    Cette parabole présente un pharisien respectant scrupuleusement les préceptes, ce qui est positif, mais conscient de sa rectitude, il tient à le faire remarquer à Dieu en se distinguant des autres hommes "voleurs, injustes et adultères" et d’un collecteur d’impôts (publicain) qui ne valait pas mieux.

    Le terme "pharisien" veut dire "séparé" car c’était selon Flavius Josèphe "une secte des Juifs qui se croyait plus pieuse que les autres, et estimait plus exacte sa manière d’expliquer les lois[1]". On voit que le pharisien de la parabole mérite bien son nom car il tient à ce qu’on le sépare du reste de l’humanité pécheresse.

    Beaucoup de commentateurs ne trouvent là qu’un excès de confiance en soi et ont tendance à excuser ce réflexe trop humain pour se concentrer sur la repentance du publicain qui implore le pardon pour sa vie de pécheur. Cette clémence est confortée par le fait que Jésus ne condamne pas explicitement le pharisien, il dit seulement que seul le publicain fut justifié aux yeux de Dieu.

    Ce qu'en dit Maria Valtorta

    La parabole rapportée par Maria Valtorta (EMV 523.7/9) présente au contraire un pharisien hypocrite, âpre au gain et retords qui "n'était bon qu'en paroles et extérieurement alors qu'en son intérieur, il était l'ouvrier de Satan et faisait ses œuvres par orgueil et dureté de cœur, et Dieu le haïssait pour ce motif".

    Ce portrait à charge est-il conforme à la parabole évangélique ?

    L’autosatisfaction

    On peut être satisfait de plusieurs manières et toutes ne sont pas condamnables : St Paul dénonce à longueur de lettres les comportements répréhensibles et louange ceux qui sont irréprochables. Il se met souvent en avant et va jusqu’à dire "imitez-moi[2]". Il se pose donc en modèle et en contraste avec les fautifs. Quelle différence y-a-t’il alors avec le pharisien de la parabole ? C’est que Paul manifeste un zèle évangélisateur et non une autosatisfaction méprisante. Il veut conduire les hommes non à l’admirer, mais à suivre Jésus. Il précise en effet : "imitez-moi comme moi aussi j’imite le Christ". Ce n'est pas sa perfection qu'il demande d'imiter, mais de partager le choix qu'il a fait.

    Maria Valtorta décrivait les dons de Dieu en elle, et pas n’importe lesquels :
    "(Jésus) descendit en moi avec le Père et l’Esprit, chacun portant ses dons à la petite Maria" mais elle précise : "qui allait devoir affronter des épreuves toujours plus grandes et toujours plus dures[3]".
    Elle ne se glorifiait pas à la manière du pharisien de la parabole, mais célébrait la magnificence de Dieu qui l’appelait à le suivre :
    "Je ne m’enorgueillis pas de tant de grâces, je célèbre simplement les bontés du Seigneur en moi, parce qu’il y a lieu, me semble-t-il, de lui rendre un hommage de gratitude".
    Ainsi donc, on peut célébrer le choix de Dieu sur nous, on peut "se séparer" des chemins de perdition, mais toujours en se situant comme la créature, non comme le Créateur. Le pharisien de la parabole idolâtre sa perfection, ce que ne font ni Paul[4], ni Maria Valtorta. Il juge et condamne, fonctions qui n’appartiennent qu’à Dieu. C’est pourquoi Jésus ne le justifie pas et, dans Maria Valtorta, dresse ce portrait à charge pour bien montrer ce qui se cache derrière les apparences. L'enseignement est en effet le but des paraboles.

    Le pharisien

    Le prototype de pharisien décrit dans Maria Valtorta récapitule de nombreuses dénonciations de Jésus dans l’Évangile :

    • Le goût des apparences dans l’exercice de la religion : "Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux Cieux" (Matthieu 6,1).
    • L’amour de l’argent : "Quand ils entendaient tout cela (Parabole de l’intendant avisé) , les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. Il leur dit alors : "Vous, vous êtes de ceux qui se font passer pour justes aux yeux des gens, mais Dieu connaît vos cœurs ; en effet, ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu" (Luc 16,14-15).
    • L’inhumanité de ceux (ici les scribes) qui dépouillent les veuves et de ceux qui viennent déposer des grosses sommes d’argent au Temple, à la vue de tous : "Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés." (Marc 12,38-44).

    Si ces attitudes que résume si bien le pharisien de la parabole, sont "haïes de Dieu" c’est parce qu’elles sont une barrière au Salut : "Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous fermez à clé le royaume des Cieux devant les hommes ; vous-mêmes, en effet, n’y entrez pas, et vous ne laissez pas entrer ceux qui veulent entrer !" (Matthieu 23,13).

    Jésus justifie la pratique des préceptes, que suit le pharisien de la Parabole, et qu’ils enseignent, mais dénonce leur façon hypocrite de les vivre :
    "(Jésus) déclara : "Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas" (Matthieu 23,2-3)".
    Ce chapitre 23 de Matthieu que nous citons, si virulent, comporte la même conclusion que la Parabole de Luc, preuve de leur rapprochement :
    "Qui s’élèvera sera abaissé, qui s’abaissera sera élevé". (Matthieu 23,12). "Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé". (Luc 18,14).
    Des deux formulations, celle de Matthieu (lui-même publicain converti) semble la plus proche de celle de Maria Valtorta car Jésus y parle au futur :
    "Celui qui s'exalte sera toujours, tôt ou tard, humilié. Si ce n'est pas ici, ce sera dans l'autre vie. Celui qui s'humilie sera exalté particulièrement là-haut au Ciel où on voit les actions des hommes dans leur véritable vérité" (EMV 523.9).
    C’est donc bien le pharisaïsme qui est déclaré irrecevable devant Dieu car incompatible avec sa Loi qui réserve à Dieu le jugement et bannit l’orgueil, faute suprême de Lucifer.

    Le publicain

    L’autre, le différent, n’est pas nécessairement le mauvais comme nous l’apprend la foi du centurion[5], la parabole du bon samaritain[6], ou l’épisode de la cananéenne[7]. Nous ne pouvons pas nous unir au Seigneur tant que nous ne nous ne prenons pas conscience de nos péchés "en pensée, en parole, par action ou par omission[8]". C’est ce que fait le publicain mais ne fait pas le pharisien.

    Les publicains, collecteurs d’impôts pour le compte du pouvoir romain, n’étaient pas des anges. L’Évangiles les assimile même aux païens (Matthieu 18,17). Mais de nombreux passages les désignent comme avides de la parole de Jésus :

    "Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter." (Luc 15,1).

    Avec les prostituées, il les désigne même comme supérieurs aux pharisiens parce qu’ils ont fait la volonté de Dieu :

    "Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu (Matthieu 21,31)".

    En effet, reconnaissant leurs péchés, ils se sont humiliés devant Dieu en acceptant le Baptême de Jean, que refusent les pharisiens imbus d’eux-mêmes (Luc 7,29-30). C’est là une clé de compréhension de cette parabole. Au contraire du pharisien de la Parabole, injustifié selon l’Evangile, haï de Dieu dans Maria Valtorta, Dieu est miséricorde : "Le Seigneur est proche de ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité (Psaume 144 (Hébreu 145) 18). L’Évangile ne connaît nominativement que deux publicains : Lévi Matthieu (Lévi) et Zachée.

    1. Matthieu, sous son apparence de pécheur public, avait un cœur si bien fait qu’il se lève aussitôt pour suivre Jésus (Matthieu 9,9).
    2. L’autre, c’est Zachée. Il est présent quand Jésus dit cette Parabole (EMV 523.9) et son parcours ressemble beaucoup au publicain du récit détaillé de Maria Valtorta. Jésus va chez lui et la foule s’en offusque, mais Zachée témoigne d’un vrai repentir qu’ignore le pharisaïsme : "Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus (Luc 19,8)".

    Les points en débat

    On a mis en garde[9] contre une lecture "pharisianophobe" de cette parabole qui porte si souvent le lecteur à juger que le pharisien honni c’est l’autre, celui qui ne pense pas comme lui, ne croit pas comme lui et ne vit pas si saintement que lui. Avertissement pastoral d’une grande pertinence tant ce réflexe est généralisé. Le commentateur rappelle de même que tous les pharisiens de l’Évangile ne sont pas exécrables. C’est donc bien le pharisaïsme que Jésus combat et non le pharisien. Être convaincu d’être juste amène à se croire supérieur, à se glorifier en s’en attribuant les mérites, et à juger puis mépriser le différent. C’est le danger de l’orgueil qui "sépare" de Dieu.

    Pour aller plus loin

    Notes et références

    1. Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, I, V, 2.
    2. 1 Corinthiens 11,1.
    3. Autobiographie, pages 127/128.
    4. Cf. Romains 7,14-24.
    5. EMV 177 | Matthieu 8,5-13 | Luc 7,1-10.
    6. EMV 281 | Matthieu 25,14-30.
    7. EMV 331 | Matthieu 15,21-28 | Marc 7,24-30.
    8. Acte de contrition, ordinaire de la messe.
    9. Père François Bessonnet, Au large biblique, Le pharisien et le publicain.