Massacre des saints innocents

    De Wiki Maria Valtorta
    Massacre des innocents d'après Gustave Doré (1832-1883)

    Dans l'Évangile, le massacre des innocents n'est rapporté que par Matthieu dans son deuxième chapitre. Il enchaîne la naissance de Jésus "à Bethléem" avec l'arrivée des mages à Jérusalem. Ils cherchent le roi des juifs dont ils ont observé l'étoile. Ce qu'apprenant le roi Hérode 1er (dit le grand) enquête auprès d'eux pour en savoir plus. C'est à Bethléem de Judée qu'il doit naître selon l'antique prophétie. Hérode les missionne "en secret" pour qu'ils identifie l'endroit exact où l'enfant était né. À peine sortis de Jérusalem, l'étoile les guide jusqu'à la "maison" où Jésus était. Ils l'adorent, mas avertis en songe de ne pas retourne chez Hérode, ils regagnent leur pays par un autre chemin.

    Joseph, dans le même temps, est lui aussi prévenu, dans un songe par un ange qui lui demande de partir pour l'Égypte avec Marie et l'enfant car Hérode allait le chercher pour le faire mourir. Joseph part précipitamment "dans la nuit".

    C'est alors qu'éclate la fureur d'Hérode qui ne voit pas revenir les mages et ne sait pas où est l'enfant. Il ordonne de tuer tous les enfant de "Bethléem et dans toute la région" d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages.

    Joseph, Marie et l'enfant resteront en Égypte jusqu'à la mort d'Hérode le grand, mais apprenant qu'Arkélaüs, le fils d'Hérode, régnait en Judée, ils repartent en Galilée, à Nazareth[1].

    On apprend donc du récit évangélique que :

    • Jésus était dans une maison et non plus dans la crèche où il était né comme l'indique Luc 2,7.
    • Que les mages étaient en route depuis longtemps puisqu'ils datent l'apparition de l'étoile à deux ans environ.
    • Qu'ils ne savent pas le lieu exact : le bourg de Bethléem ou sa région environnante. Seule l'étoile le sait.
    • Que Hérode le grand voulait tuer un futur rival.

    Dans Maria Valtorta

    Maria Valtorta n'a pas la vision direct de ce massacre. Elle n'a que celle de l'adoration des mages, du songe de Joseph et du séjour de la sainte famille en Égypte. Tous les renseignements qu'elle donne sur ce massacre sont issus de témoignages.

    L'étendue du massacre

    Lorsque Jésus adulte revient incognito à Bethléem, il rencontre un habitant de Bethléem qui se souvient de ce bain de sang d'enfants passé au fil de l'épée, Dans sa mémoire, il l'amplifie : "Plus de mille petits dans la ville, un autre millier dans les campagnes". Principalement des garçons, mais aussi des petites filles, victimes collatérales des sicaires (EMV 73.5). Il garde un ressentiment implacable envers les bergers qui leur avaient annoncé le Sauveur d'Israël. Ils y avaient crus pour leur malheur à ce faux messie ! Il ne veut plus en entendre parler. C'est à cause de lui que tous ces enfants sont morts ! La pauvre Anne qui les hébergeait dans sa "maison" est morte par l'épée comme deux autres bergers sur les douze.

    Dans un dictée du 28 février 1947, Jésus corrige l'étendue du massacre :
    "Entre ceux de Bethléem et ceux des campagnes, leur nombre s’élève à trois cent vingt (320). Et je précise encore que, parmi eux, ceux de Bethléem furent cent quatre vingt-huit (188), tandis que ceux des campagnes battues dans un vaste rayon par les envoyés d’Hérode pour exterminer les nouveau-nés furent cent trente- deux (132). Parmi ces tués, il y eut soixante-quatre (64) petites filles, que les sicaires n’ont pas identifiées comme telles, car ils tuèrent dans l’obscurité, la confusion et la frénésie d’agir vite, avant que quoi que ce soit n’intervienne pour mettre fin au massacre[2]."

    Il suffit de regarder l'impact des attentats comme ceux du 13 novembre 2015 à Paris (130 morts au Bataclan et à St Denis) ou celui du 14 juillet à Nice (86 morts) pour se rendre de l'authenticité du traumatisme dans une ville qui devait compter de 800 à 2.000 habitants selon les experts contemporains et où l'information n'existait pas. C'est donc une boucherie monumentale aggravée par le fait qu'elle concerne des nourrissons.

    La cruauté du roi Hérode

    En EMV 426.6, Jésus discute avec des aristocrates romaines. Elles se réfèrent au poète Virgile qui prophétisait la venue du Messie[3]. Elles connaissent aussi le "massacre qui horrifia Rome".

    En effet, selon ce que rapporte Macrobe[4], un historien romain, chroniqueur du règne d’Auguste, l'empereur à l’audition des rapports qu’on lui faisait sur les évènements de l’empire, commenta : "Ayant appris que, parmi les enfants de deux ans et au-dessous qu'Hérode, roi des Juifs, avait fait massacrer en Syrie, était compris le propre fils de ce roi, il dit – "Il vaut mieux être le porc (hys) d'Hérode que son fils (huios).". Le jeu de mot est fait en grec, la langue cultivée de l'époque.

    - Un texte de Macrobe[3], un historien romain, chroniqueur du règne d’Auguste. Il met en scène[4] un empereur qui à l’audition des rapports qu’on lui faisait sur les évènements de l’empire, commente : « Ayant appris que, parmi les enfants de deux ans et au-dessous qu'Hérode, roi des Juifs, avait fait massacrer en Syrie, était compris le propre fils de ce roi, il dit – "Il vaut mieux être le porc (hys) d'Hérode que son fils (huios). ».          

    On voit bien, à la lecture de ce texte, que deux évènements se mélangent dans ce rapport d’empire : l’assassinat du fils d’Hérode le grand et celui du massacre des enfants[5]. Le tout est résumé par ce jeu de mot sur le porc, car cet animal n’étant pas mangé, avait la vie sauve, lui au moins.

    Ce n’est certainement pas l’assassinat du fils d’Hérode qui aurait pu provoquer cette réflexion qui traverse l’Histoire, car Hérode le grand, roi paranoïaque, était coutumier de l’assassinat de sa famille et de ses enfants, sans compter ceux de la population[6].  

    Conclusion

    Dans Maria Valtorta, l’extrême cohérence des faits comme des psychologies en jeu sont les meilleures preuves de l’authenticité du récit de Matthieu. Quant à ce massacre d’innocents dont la population de Bethléem rendit coupable ce "faux Messie" né chez eux, il manifeste la rage des ténèbres contre la Lumière du Salut, rappelle l’Église[7]. Mais "dans les Limbes, les saints innocents font la joie des patriarches et des justes" confie la Vierge Marie au jeune Marziam avide de tout savoir (EMV 208.2).

    Les points en débat

    Dans l'Écriture

    Comme le rappelle Mathieu dans son Évangile (2, 17-18), ce massacre avait été annoncé par le prophète Jérémie 31,15 :
    Ainsi parle le Seigneur : Un cri s’élève dans Rama, une plainte et des pleurs d’amertume. C’est Rachel qui pleure ses fils ; elle refuse d’être consolée, car ses fils ne sont plus.
    Pour la consoler, l'oracle lui annonce qu'il y aura un salaire pour sa peine : le retour de ses fils du pays de l'ennemi et le retour sur leur terre: versets 16 et 17 où l'on peut lire l'annonce symbolique de la Rédemption qui s'inaugurait par cette rage de l'Ennemi.

    Le Protévangile et Ein Karem

    Le Protévangile de Jacques, un écrit apocryphe du 2° siècle où se mêlent renseignements historiques et récits enjolivés, dit qu'Elisabeth fuyant Jérusalem pour sauver son fils Jean-Baptiste (âgé de 6 mois de plus que Jésus) le cacha dans la montagne[8].

    En EMV 577.8, Marie d'Alphée raconte à Jésus et Marie, comment son mari, frère aîné de Joseph descendit de Galilée à sa recherche après l'annonce du massacre :
    Puis vous êtes partis... Quelle angoisse de ne plus rien savoir de vous après le massacre ! Alphée se rendit jusqu'à Bethléem... "Partis" dirent-ils. Mais comment croire quand on vous hait à mort dans une ville encore rouge du sang innocent et où fumaient les ruines et où on vous accusait que c'était à cause de vous que ce sang avait été répandu ? Il alla à Hébron, et puis au Temple, car Zacharie était de service. Élisabeth ne lui donna que des larmes, Zacharie des paroles de réconfort. L'un et l'autre, angoissés pour Jean, craignant de nouvelles atrocités, l'avaient caché et tremblaient pour lui. De vous, ils ne savaient rien et Zacharie dit à Alphée : "S'ils sont morts, leur sang est sur moi, car c'est moi qui les ai persuadés de rester à Bethléem".
    L’église d’Ein Karem conserve le souvenir de Jean-Baptiste et du massacre des innocents. Si Elisabeth et Zacharie y demeurèrent, ce devait être un pied-à-terre pour les semaines de service au Temple car leur domicile, dans Maria Valtorta, est bien Hébron, la ville des Patriarches.

    La tradition du massacre des Innocents qui aurait frappé Ein Karem a été renforcée par la découverte en 1885 de deux fosses funéraires romaines vénérées à l’époque Byzantine avec une inscription en grecque : "Salut ! martyrs de Dieu !"

    Si la ville de Ein Karem a été touchée par les massacres, il faut les rattacher à cette indication de Jésus, dans Maria Valtorta : "campagnes battues dans un vaste rayon par les envoyés d’Hérode" car il n'y a pas d'autres indications que celles-ci.  

    Dans la Légende dorée

    Un certain Méthodien aurait conforté ce massacre dans sa chronique. Cette source est citée par le Bienheureux Jacques de Voragine dans sa "Légende Dorée". Cette œuvre très célèbre du 13ème siècle est une recension de très nombreuses sources de l'époque. Ce Méthodien, inconnu, est cité après Macrobe.

    La contestation de Voltaire contre Macrobe      

    Voltaire, dans une note de son Histoire de l'établissement du christianisme, chapitre VI, De la personnalité de Jésus, conteste l'authenticité de cette source falsifiée par "Quelques esprits faibles, ou faux, ou ignorants, ou fourbes" !!!
    "Quelques esprits faibles, ou faux, ou ignorants, ou fourbes, ont prétendu trouver dans l’antiquité des témoignages du massacre des enfants qu’on suppose égorgés par l’ordre d’Hérode, de peur qu’un de ces enfants nés à Bethléem n’enlevât le royaume à cet Hérode, âgé de soixante et dix ans, et attaqué d’une maladie mortelle. Ces défenseurs d’une si étrange cause ont trouvé un passage de Macrobe dans lequel il est dit : « Lorsque Auguste apprit qu’Hérode, roi des Juifs en Syrie, avait compris son propre fils parmi les enfants au-dessous de deux ans qu’il avait fait tuer: « Il vaut mieux, dit-il, être le cochon d’Hérode que son fils.". Ceux qui abusent ainsi de ce passage ne font pas attention que Macrobe est un auteur du Ve siècle, et par conséquent qu’il ne pouvait être regardé par les chrétiens de ce temps-là comme un ancien. Ils ne songent pas que l’empire romain était alors chrétien, et que l’erreur publique avait pu aisément tromper Macrobe, qui ne s’amuse qu’à raconter de vieilles historiettes. Ils auraient dû remarquer qu’Hérode n’avait point alors d’enfant de deux ans.        

    Ils pouvaient encore observer qu’Auguste ne put dire qu’il valait mieux être le cochon d’Hérode que son fils, puisque Hérode n’avait point de cochon.

    Enfin on pouvait aisément soupçonner qu’il y a une falsification dans le texte de Macrobe, puisque ces mots, pueros quos infra binatuns Herodes jussit interfici (les enfants au-dessous de deux ans qu’Hérode fit tuer), ne sont pas dans les anciens manuscrits.    

    On sait assez combien les chrétiens se sont permis d’être faussaires pour la bonne cause. Ils ont falsifié, et maladroitement, le texte de Flavius Josèphe; ils ont fait parler ce pharisien déterminé, comme s’il eût reconnu Jésus pour messie. Ils ont forgé des Lettres de Pilate, des Lettres de Paul à Sénèque et de Sénèque à Paul, des Écrits des apôtres, des vers des Sibylles. Ils ont supposé plus de deux cents volumes. Il y a eu de siècle en siècle une suite de faussaires. Tous les hommes instruits le savent et le disent, et cependant l’imposture avérée prédomine. Ce sont des voleurs pris en flagrant délit, à qui on laisse ce qu’ils ont volé".

    Notes et références

    1. Selon Flavius Josèphe, Hérode Archélaos avait "réuni en lui les vices les plus insupportables de tous les tyrans" (Antiquités judaïques, livre 12, ch. 11) .
    2. Les Cahiers de 1945 à 1950, 28 février 1947, p. 368.
    3. Le grand poète Virgile (Publius Vergilius Maro, 70- 26 av. JC) écrit dans la 4ème Eglogue de ses Bucoliques : "Voici les derniers temps marqués par l’oracle de la Sibylle de Cumes : la longue série des siècles recommence. Voici venir la Vierge, et le règne de Saturne. Voici descendre du ciel une race nouvelle. Un enfant nouveau-né sous le règne de l’Empereur Auguste éliminera la génération de fer et suscitera par tout le monde une génération d’or".  
    4. Le philosophe MACROBE (Ambrosius Theodosius Macrobius) est un auteur latin païen ayant exercé des fonctions importantes dans l’administration romaine : vicaire des Espagnes en 399 et proconsul d’Afrique en 410. Ses Saturnales en sept livres décrivent un banquet académique où sont abordés différents sujets historiques et philologiques, en particulier sur Virgile. Parmi ses sources d'information, on trouve Plutarque (entre 46 et 125 après J-C) ou Aulu-Gelle (v. 115/120 – 180). L'information sur les massacres d'Hérode que reprend Macrobe peut se trouver dans les parties, aujourd'hui perdues, de leurs œuvres, voire dans d'autres sources. La réflexion de Macrobe est consignée dans ses Saturnales, II, 4.11.
    5. En l'an -4, Hérode cumula en effet le massacre d'Antipater, l'un de ses enfants (un de plus) et le massacre des innocents.
    6. Selon ce que rapporte Flavius Joseph dans les Antiquités juives, il fit noyer son beau-frère Aristobule (A.J., 15, § 54-56); assassiner son beau-père Hircan II (A.J. 15, § 174-178), et Costobar, son autre beau-frère, puis sa femme Marianne ( A.J. 15, § 222-239); puis ses enfants Alexandre et Aristobule (A.J. 16, §130-135), et enfin Antipatros, son autre fils (A.J. 17, § 145). À l'époque du massacre, sur le point de mourir, très peu de temps après, et craignant que sa mort ne fut pas assez pleurée, il convia tous les notables de tout le territoire et les enferma dans l'hippodrome de Jéricho. Il ordonna de les tuer après sa mort. L'ordre ne fut heureusement pas exécuté (A.J. 17, §173-175). Hérode le grand serait mort, selon certains, à la Pâque de -4 avant JC. C'est l'hypothèse dominante. D'autres retiennent une date ultérieure. Jean Aulagnier, et c'est ce que nous reproduisons, date la fuite en Égypte de novembre -4, et donc la mort d'Hérode le grand à une date ultérieure, le 22 mars de l'an -3.
    7. Cf. Catéchisme de l’Église catholique, § 530.
    8. Protévangile de Jacques 22.3.